Faut-il breveter les gènes ? Toute la presse nationale s'intéresse à la question car une entreprise américaine, Myriad Genetics, a déposé en Europe un brevet sur un gène déterminant pour certains cancers du sein, le gène BRCA 1. Fin 2001, l'Office européen des brevets (OEB) a octroyé à cette entreprise un nouveau brevet pour ce gène. Le Parti socialiste suisse a annoncé qu'il allait déposer un recours, le délai d'opposition aboutissant fin août. " Le cas du BRCA 1 est jugé particulièrement exemplaire des dérives potentielles que recèle le développement incontrôlé des brevets sur la matière vivante ", relève Le Temps. Le brevet demandé par Myriad lui offre de facto une protection sur pratiquement toutes les applications diagnostiques et thérapeutiques potentielles liées au gène.
" La problématique est passionnante ", reprend l'Agefi. Car " le brevet apporte à son inventeur le droit exclusif de disposer de sa trouvaille sur le plan commercial. Mais voilà, les gènes ne peuvent pas être inventés, ils peuvent seulement être découverts. Deux écoles s'affrontent. Pour les uns, le " brevetage " des gènes fait avancer la recherche. Pour les autres, il l'entrave plutôt qu'il ne la favorise ". Pour Suzanne Braga, coprésidente de la Société suisse de génétique médicale, une distinction claire doit exister entre découverte et invention : " Les gènes sont constitués de molécules existant dans l'ensemble du monde vivant. On peut les découvrir grâce à diverses méthodes. Ce sont les procédés techniques permettant cette découverte, ainsi que les procédures développées au niveau génético-moléculaire qui peuvent éventuellement être qualifiés d'invention ".
" En France, l'Institut Marie Curie, soutenu par le gouvernement, a fait opposition au brevet sur le gène BRCA 1, alors que l'Assemblée nationale rejette l'idée même de brevets sur les gènes humains, tout comme le Parlement européen. Les commissions d'éthique de plusieurs pays (Suisse comprise) s'y opposent aussi ", souligne La Liberté. En Suisse, l'avant-projet de révision de la loi sur les brevets, en consultation, propose de rendre plus restrictive la protection par brevet. Il ne suffira pas de découvrir un gène, la demande devra contenir la manière d'isoler ce gène, mais aussi la description concrète des applications industrielles prévues. La révision devrait ancrer le principe du " privilège de la recherche ".